La publication du quinzième rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal logement révèle un chiffre éloquent : 600 000 enfants sont victimes de conditions limites de logement. On peut imaginer sans mal ce qu'une telle réalité sociale contient comme graves conséquences. Pour réussir ses études, se dégager une intimité dans cette parenthèse si fragile de l'enfance puis de l'adolescence, l'enfant a besoin d'un endroit à lui, qu'il spécifie comme il entend, entre posters rageurs et silences. Cette promiscuité rend donc compliquée la réussite scolaire et pousse les jeunes dans l'antre du lion, cette rue offerte au meilleur comme au pire. Pis encore, de tels chiffres montrent à quel point il est indispensable de renforcer les dispositifs périscolaires dans les quartiers difficiles à un moment où ..., les Départements, contributeurs importants des actions sociales, et les Caf, soumises à des réductions budgétaires, ont tendance à se désengager malgré eux. Le lien social n'est pas un vain mot inventé par quelques barbus soixante-huitards accusés d'angéliser les enjeux dans l'espace social. Quand ce lien se distend, indistinctement, par petits bouts de subventions ici, par quelques mesures financières restrictives là, l'enfance est confrontée à un principe de réalité dont les parents ne sont pas les seuls responsables. La pauvreté est une essoreuse : elle assèche les rêves mais pervertit aussi le lieu de l'intimité, du repos, de la réflexion, de la présence à soi. Le mal logement participe à sa manière à l'ensauvagement de l'espace social qui, rappelons-le à ceux qui se barricadent pour des raisons compréhensibles dans leurs unités digitalisées d'habitation, est un espace sans limite, la liberté de mouvement n'ayant pas encore été remise en cause.


 

Faites suivre !