CLEF 54 Coordination Lunévilloise Enfance Famille
Parents, enfants, professionnels, coéduquer pour vivre et décider ensemble
Parents, enfants, professionnels, coéduquer pour vivre et décider ensemble
Pour avancer vers une société plus apaisée, il semble nécessaire de repenser entièrement le rôle de notre système d’éducation.
J’apprécie au plus haut point la philosophie de l’« Education act » mis en place par la Finlande qui cherche à former des enfants épanouis pour qu’ils deviennent des adultes épanouis et responsables.
Il y a dans notre système éducatif énormément de belles initiatives et de professeurs totalement dédiés à leur mission. Mais le grand public le sait-il seulement ?
En outre, il existe tellement de dysfonctionnements profonds dans la sélection, la formation, la possibilité d’accompagnement, et parfois de sanction vis-à-vis de l’éducateur/professeur, que les efforts isolés ne peuvent aboutir. Le pouvoir et les peurs de quelques-uns peuvent détruire les efforts du plus grand nombre.
J’aime l’école, l’éducation et l’enseignement. C’est la voie la plus importante vers notre liberté et vers la paix. Il convient cependant de s’éveiller et de réagir face aux difficultés que les deux exemples ci-dessous (parmi tant d’autres) soulèvent....,
Le premier provient de discussions répétées avec des conseillers et conseillères d’éducation de l’éducation nationale que je vais résumer en une citation : « Je prends beaucoup de temps à expliquer aux élèves en difficultés qu’ils doivent “jouer un peu plus finement” et s’adapter un peu plus au fonctionnement du professeur ». Je la combinerai avec des mots d’élèves, du secondaire comme du supérieur que je vais résumer de la manière suivante : « de toute façon, je sais très bien manipuler les profs. Si tu leur donnes un peu de regards, un peu d’excuses et un peu d’attention alors ils te foutent la paix ».
N’y a-t-il pas là, au-delà de l’aspect anecdotique, un dysfonctionnement réel ? Est-ce vraiment à l’élève d’apprendre à se plier aux errances de l’enseignant ? Qu’on lui demande respect des personnes et des règles, cela me semble une évidence, qu’on attende de lui effort et discipline, cela me semble fondamental, mais c’est bien ensuite à l’enseignant de savoir repérer et adapter son éducation aux difficultés de l’élève et de lui donner la sécurité et la liberté nécessaire afin de susciter l’envie d’apprendre ou d’accéder encore au plaisir de l’effort.
La paix économiqueet la réflexion sur le rôle de l’entreprise et du leader dans la société nous questionnent en amont sur le rôle de l’éducation et de l’enseignement dans la formation de futurs citoyens qui, s’ils deviennent employés ou managers, devront néanmoins développer un discernement nécessaire à leur pleine et entière responsabilité.
Que notre système éducatif s’intéresse à l’employabilité c’est une bonne chose, mais quand il ne fait plus que cela, il manque une grande part de sa mission : apprentissage de la citoyenneté, développement des connaissances, de la culture générale ou encore intégration culturelle.
L’une des voies possibles consiste à inciter les professeurs à aborder la connaissance de soi, le développement personnel, l’authenticité ou la gentillesse, d’une manière qui n’empêche pas la fermeté. Trop souvent, quand ces thèmes sont évoqués, une ancienne crainte jaillit : celle d’un enseignant trop laxiste qui se ferait « déborder » par des étudiants abusant de sa position de faiblesse.
Nous retrouvons ici le débat stérile opposant le professeur « qui sait s’imposer » et le professeur « laisser-faire ». Loin d’être un abandon d’autorité ou de responsabilité, le processus de la pleine conscience développe un plus grand discernement chez l’enseignant, qui l’aidera à faire respecter de manière bienveillante, simple et ferme, les valeurs et les règles utiles au bon fonctionnement collectif et à une envie renouvelée d’apprendre.
Si l’enseignant se laisse prendre dans la difficulté d’une situation, submergé par ses propres émotions et enfermé dans ses projections, il risque fort de glisser vers le comportement auquel il a recours d’habitude : être autoritaire ou au contraire fermer les yeux, surtout s’il est évalué ensuite par ses élèves. Prenons un exemple.
Imaginons un enseignant qui donne en début de cours la consigne de ne pas utiliser d’ordinateur. Après un certain temps, un ou plusieurs étudiants ouvrent leur ordinateur. Cette situation se répète plusieurs fois et l’enseignant est peu à peu enfermé, sans en avoir pleinement conscience, dans ses schémas habituels. Il réagit alors, plus ou moins fortement par des mécanismes de protection inconscients, soit de manière autoritaire, soit de manière évitante. Dans les deux cas, à la fin du cours, il prend le risque d’une insatisfaction : celle d’un manque d’efficacité, d’une dégradation possible de la qualité de la relation avec les autres élèves et d’un sentiment d’échec personnel.
Développé par un ensemble d’exercices spécifique et une pratique régulière qui n’est pas l’objet dans cet article, le processus de pleine conscience tout comme la pratique d’une communication en conscience peuvent permettre à l’enseignant d’enrichir sa perception de la situation : depuis le contexte et les faits jusqu’à ses émotions et ses projections. En améliorant l’observation, la reconnaissance et le non-jugement de ce qui se déroule en lui et en dehors de lui, la pleine conscience augmente son espace de liberté.
Ainsi, par un meilleur discernement, plutôt que de le pousser à réagir en évitant la difficulté de la situation – par l’autoritarisme ou la fuite – la pleine conscience ancre l’enseignant dans la réalité et l’oblige à une plus grande responsabilité. Simplement parce qu’une fois qu’elles sont vues, les « choses » ne peuvent plus être ignorées.
Imaginons le même enseignant ayant suivi une formation à la pleine conscience. À la répétition de l’ouverture des ordinateurs, il perçoit les émotions qu’il vit, colère ou peur de ne pas être respecté, ainsi que les suppositions et projections qu’il fait : « Comme toujours, les étudiants de première année sont indisciplinés », ou « Zut, je n’arrive pas à les intéresser ». Plus conscient de ses mécanismes habituels, il peut prendre du recul et choisir de manière plus responsable un comportement et ses conséquences : prendre une décision d’autorité en préservant le respect et les conditions d’exigence et de bienveillance, sans y inclure de jeux de pouvoir, ou comprendre qu’il a encore les moyens de transformer son approche pour permettre aux étudiants non respectueux de la consigne de revenir au contact du cours.
Cette approche facilite l’expression des contradictions, des tensions et des difficultés de l’aventure éducative que représente le métier d’enseignant : observer, reconnaître et partager nos difficiles oscillations entre, d’une part, la considération d’un étudiant que l’on souhaite « libre » et capable de comprendre les enjeux de son implication et, d’autre part, le constat frustrant qu’il n’a pas toujours les moyens d’exercer cette liberté et doit parfois être « cadré ».
Ce travail de réflexivité, de conscience nécessaire, permet de refuser un positionnement caricatural et conduit à imaginer des moyens ou des dispositifs capables d’articuler ces exigences apparemment contradictoires vers un but fondamental : que l’étudiant quitte sa peur des sanctions et soit convaincu que l’enseignant est là pour l’accompagner dans son parcours, dans l’ouverture et le rappel des limites, afin de donner toutes les chances à son apprentissage technique et humain vers plus de liberté et de responsabilité.
Imprimer | Commenter | Articlé publié par coordination le 13 Fév. 17 |