L'éducation reste un champ prioritaire de l'action municipale, confirme une étude de l'Association nationale des directeurs de l'éducation des villes (Andev). Les sujets de préoccupation ont évolué au fil des réformes : Epep, rythmes scolaires, accueil des deux-trois ans... Et les maires attendent plus que jamais une meilleure lisibilité entre Education nationale et politiques éducatives locales, souligne la nouvelle présidente de l'Andev, Anne-Sophie Benoit.
"97% des maires considèrent l'éducation comme un axe majeur de leur politique municipale." Tel est le premier enseignement de l'étude comparée des politiques éducatives 2001-2008 que vient de publier l'Association nationale des directeurs de l'éducation des villes de France (Andev), en partenariat avec l'Association des maires de France (AMF). "On est là sur une tendance de fond, durable", souligne le rapport, sachant qu'en 2001 déjà, 96% des maires interrogés répondaient de façon identique. L'affirmation de cette priorité se traduit bien par un effort budgétaire important : selon les chiffres du ministère de l'Education nationale, les collectivités, tous niveaux confondus, assurent près de 23% des dépenses nationales d'éducation et cette part est en progression (elle était de 21,3% en 2006 et de 19,9% en 2005).
Les nouveaux sujets de préoccupation de ces maires ? Mise en place du service minimum d'accueil, "suppression du samedi", mesures sur l'accompagnement éducatif, constitution d'établissements publics d'enseignement primaire (Epep)... "Le regard des maires se porte sur toutes les mesures instaurées par Xavier Darcos", explique à Localtis Anne-Sophie Benoit, nouvelle présidente de l'Andev, élue le 21 octobre dernier.
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La restauration scolaire

La restauration scolaire est le premier poste de dépenses dans le budget éducation du bloc communal. 26% des maires indiquent qu'ils y consacreront un développement important durant la mandature en cours (2008-2014) et 71% qu'ils maintiendront l'effort mis en oeuvre lors du précédent mandat. En 2001, les statistiques étaient très proches.
Dans ce domaine de la restauration, "dès lors que des changements sont envisagés, ils peuvent avoir de lourdes conséquences en termes budgétaires", souligne l'Andev. Les interventions portent en effet notamment sur les locaux (travaux concernant la cuisine, rénovation, voire construction, de bâtiments...) et nécessitent des programmes pluriannuels.
Les décisions de court terme concernent par exemple "la composition des menus ou les tarifs", mais "compte tenu du nombre de convives et de jours de scolarité, les sommes en jeu peuvent rapidement atteindre des montants importants". Plus de la moitié (58%) des maires interrogés pensent modifier les tarifs du restaurant scolaire, soit en procédant à des hausses (49%), soit en les ajustant aux ressources des familles. Très peu (4% seulement) se disent favorables la mise en place de la gratuité pour la restauration scolaire.

 L'accueil des enfants âgés de deux à trois ans en maternelle

Les termes du débat sur l'accueil des enfants âgés de deux à trois ans en maternelle ont changé entre 2001 et 2008. L'étude observe en effet que les maires craignent aujourd'hui une remise en question de la scolarisation des enfants de moins de trois ans.
L'appel à projets pour expérimenter les jardins d'éveil lancé en mai dernier par Nadine Morano (lire nos articles ci-contre) continue à susciter la polémique, confirme Anne-Sophie Benoit. "Le ministère de l'Education nationale, qui s'intéresse peu à la portée des études scientifiques lorsqu'il s'agit de remise en cause des rythmes scolaires, s'appuie en revanche sur certaines d'entre elles dès lors qu'il s'agit de remettre en question la scolarisation des deux-trois ans. Ces études ne font pour autant pas consensus. Toutes, cependant, montrent l'importance de la scolarisation pour les élèves les plus en difficulté. Or, si celle-ci reste encore prioritaire dans les écoles de ZEP, ce sont plutôt les enfants vivant en milieu rural ou dans les villes moyennes qui sont scolarisés à l'âge de deux ans", a commenté Claudine Paillard - précédente présidente de l'Andev - lors de la présentation de l'enquête.

 

Les établissements publics d'enseignement primaire

L'étude souligne une montée de l'opposition des élus, voire une "radicalisation", concernant le dossier des établissements publics d'enseignement primaire (Epep). En 2001, 32% des maires se déclaraient opposés à l'idée d'attribuer une personnalité morale à l'établissement d'enseignement du premier degré. Ce taux est passé à 43% en 2008.
Il faut dire qu'entretemps, le Parlement a donné un cadre législatif à l'Epep : l'article 86 de la loi du 13 août 2004 a ouvert la possibilité pour une commune, plusieurs communes, un ou plusieurs EPCI, de mettre en place une organisation et une gestion mutualisées des moyens, après avis des conseils des écoles concernés et accord de l'Etat. Or, en raison des oppositions des différents acteurs de l'éducation (syndicats d'enseignants, associations de parents d'élèves, associations d'élus locaux...), deux projets de décrets ont successivement dû être abandonnés. Résultat : aucun décret d'application n'a jusqu'ici vu le jour. "Nous travaillons sur un projet de rédaction avec l'AMF", annonce d'ailleurs à Localtis la présidente de l'Andev.
Selon l'enquête, les associations d'élus locaux redoutent principalement quatre choses. Tout d'abord, le risque d'affecter le lien entre les écoles et les communes : les élus craignent "qu'avec la mise en place systématique des Epep puisse exister un risque de regroupement contraint des écoles et un glissement de la compétence communale". Les maires sont également hostiles aux coûts supplémentaires que les Epep pourraient engendrer. Ils appréhendent en outre de nouvelles fermetures de classes et d'écoles, en raison de "la mutualisation des moyens entre écoles d'une même commune ou entre écoles de communes voisines". Enfin, selon eux, la mise en oeuvre expérimentale "remet en cause les prérogatives des communes en matière de financement, de fonctionnement et d'entretien des écoles publiques, qui se trouveront alors transférées aux Epep". Sans compter que "le statut des directeurs d'école n'est toujours pas résolu", ajoute Anne-Sophie Benoit.

 Pour un renforcement des moyens

Sur le plan des évolutions majeures souhaitées dans le champ de l'éducation, en 2008, le renforcement des moyens vient en première position. Le rapport rappelant à ce titre que l'éducation est le premier employeur de la ville (agents municipaux au service des écoles : Asem, agents d'entretien, animateurs sportifs ; agents municipaux dans les services de la petite enfance).
Les autres souhaits concernent l'amélioration des partenariats et la clarification des rôles de chacun. Le fait que cette problématique arrive en deuxième position semble "montrer que le partage des compétences et des responsabilités, notamment entre les collectivités locales et l'Etat, sur la question éducative est toujours loin d'être tranché", analysent les auteurs. "Les maires ont ainsi des interrogations sur la poursuite des dispositifs de réussite éducative", constate à titre d'exemple la présidente de l'Andev.
Celle-ci confirme également que les élus jugent prioritaires les questions liées à la suppression de la classe le samedi matin - "qui a été prise sans concertation avec les communes" -, au périscolaire ou encore au patrimoine (construction, rénovation, entretien). "Il va falloir trouver cohérence et lisibilité", conclut-elle.
Catherine Ficat
 

On va bientôt en reparler...

Le Congrès des maires est chaque année l'occasion de confirmer la place accordée par les maires à leurs politiques et leurs investissements dans le domaine de l'éducation. Ce fut bruyamment le cas l'an dernier… et ce le sera sans doute encore la semaine prochaine lors du 92e congrès, notamment le 18 novembre lors de la table ronde intitulée "Quelles responsabilités respectives des maires et de l'Etat dans l'évolution de l'école et de la politique éducative ?". Encore et toujours la même question, donc... Celle-là même que la Cour des comptes, par exemple, avait fustigée dans un rapport de décembre dernier. En sachant que depuis, les diverses réformes Darcos n'ont apparemment rien arrangé. Celles-ci "ont lourdement impacté les politiques éducatives locales et imposé aux communes de s'organiser, en urgence, pour offrir ou maintenir des services de qualité aux élèves" et ont renforcé "le rôle d'acteur clé que jouent les communes dans le domaine éducatif, sans pour autant que les maires soient véritablement associés aux projets", estime l'AMF. D'où, poursuit-elle, la nécessité de "définir de nouvelles modalités de concertation entre les maires et l'Education nationale, pour préciser et mieux coordonner leurs responsabilités respectives". La rencontre organisée dans le cadre du Congrès des maires, avec la participation annoncée de Luc Chatel, permettra d'aborder le rôle des communes en matière, par exemple, de numérisation, de rythmes scolaires, de soutien scolaire et de périscolaire.
C.M.

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