Psychosociologue, Jean Epstein est passionné par les questions relatives à l’enfant, son développement harmonieux sur les plans physique, moral et intellectuel. Il sera à Dombasle-sur-Meurthe, mardi 10 mars et à Pulnoy le 24 mars 2015

Interview  Fessée : « Ne pas tomber dans l’intégrisme »

La France vient de se faire épingler par le Conseil de l’Europe pour ne pas avoir encore clairement interdit la fessée chez les enfa nts ? Quelle est votre position ?

La Suède est un pays qui depuis longtemps a légiféré sur la fessée. Dès 12 ans, l’enfant peut porter plainte contre ses parents, demander la séparation d’avec eux s‘il s’estime maltraité. Avec des lois, on peut aller jusqu’au délire, dirons-nous. Par contre, c’est une vraie question. Il va de soi qu’on ne peut absolument pas recommander ou tolérer ce type de langage, au sens large, de la part des parents...,
Peut-être qu’une loi a du sens pour freiner ces pratiques qui, globalement, sont plus répandues dans les pays latins. Espérons qu’elle fera évoluer y compris celles de l’entourage. Il est important de s’autoriser à intervenir si l’on voit des parents non bien traitants […]. Donc, pourquoi pas une loi, à condition de ne pas tomber dans l’intégrisme. Certains enfants que j’appelle les « Même pas mal » font grimper la pression jusqu’au risque de la tape sur les fesses. Je dis aux parents : c’est un échec, il est évident que quelque chose n’a pas pu être dit, d’où l’intérêt de montrer aux enfants qu’on le regrette. Mais, un petit clin d’œil : je leur dis, si vous donnez une tape sur les fesses à vos enfants, ne vous rendez pas tout de suite à la police…

Néanmoins il faut sanctionner. Comment ?

C’est indispensable. Un enfant a besoin de sanctions. Attention, la sanction n’est pas la punition. La sanction, c’est cadrer. La punition, c’est priver. Si on a à la maison un enfant très énervé, on va pouvoir le sanctionner en lui disant « Tu es énervé, tu vas dans ta chambre, tu te reposes et après tu reviens ». La chambre devient à ce moment un cadre de quiétude. Si on punit en disant « Si tu es méchant, tu vas dans ta chambre et tu te mets au lit », la même chambre devient un lieu de punition. Ayant beaucoup travaillé là-dessus, j’ai pu voir que les enfants ayant été punis en étant envoyés dans leur chambre et obligés de se mettre au lit, avaient beaucoup plus de problèmes de sommeil que ceux pour qui la chambre était un lieu de repos […] Il y a un deuxième élément à prendre en compte : chaque enfant est différent dans l’acceptation des sanctions. On ne peut pas dire voilà la liste des bonnes sanctions. L’objectif d’une sanction est de faire comprendre à l’enfant qu’on n’est pas d’accord avec ce qu’il fait. Elle doit répondre à 8 critères.

Qui sont ?

La sanction doit être immédiate, véhiculée par la personne dérangée par le comportement de l’enfant, expliquée et non pas négociée, partagée par les adultes présents, elle doit être irréversible et juste. Il n’y a rien de pire pour un enfant qu’un sentiment d’injustice. La sanction doit enfin être proportionnée. Et réaliste.

La question de la juste place de l’enfant vous tient aussi à cœur…

Pendant longtemps l’enfant n’était rien dans notre société. Maintenant, il est devenu tout. Avec des parents qui se demandent si leur enfant va les aimer s’ils lui disent non. C’est la question de l’enfant roi. Or le seul rôle qu’un enfant peut avoir vis-à-vis de ses parents c’est d’être l’enfant de ses parents. Aucun enfant ne peut être le conjoint, le thérapeute ou le parent de ses parents. J’ai participé, il y a quelques années, à une étude sur la violence dans les cours d’écoles. Pour cela, je me suis rendu dans une école primaire de la région nancéienne. La directrice me désigne un enfant. Je discute avec lui. Il finit par me dire : « A la maison, c’est pas facile parce que mes parents sont tous les deux au chômage, le matin quand je pars à l’école ils sont tous les deux en pyjama dans le canapé à jouer à la game boy, ils me disent ‘’ Travaille bien à l’école pour réussir plus tard et n’oublie pas de ramener le pain’’ ». Cette phrase, tout était dedans. Il était le seul à partir travailler, il ramenait à manger pour le soir, il laissait les parents en pyjama avec sa game boy. La directrice de l’école a invité les parents sans les juger et réussi à les valoriser dans leur rôle de parents. L’année d’après, cet enfant n’était plus agressif dans la cour de récréation. Pourquoi ? Parce qu’auparavant, cet enfant qui était le parent de ses parents reprochait aux autres enfants d’avoir le droit d’être des enfants. C’est la question de la juste place.

Propos recueillis par Marie-Hélène VERNIER
Avec l'aimable autorisationde :© L'Est Républicain, JEUDI 5 mars 2015/  Lunéville et sa région - Droits de reproduction et de diffusion réservés

Infos pour les 10 et 24 mars : http://clef.viabloga.com/news/jean-epstein-les-11-et-24-mars-2015-meurthe-et-moselle

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